À l’image de son fondateur l’abbé Pierre en 1949, la communication de l’association Emmaüs France a toujours été engagée, engageante, directe voire sans filtres par moments.

Rappelez-vous de l’une de leurs campagnes en réponse au maire de Béziers, Robert Ménard et son fichage ethnique dans les écoles.

Emmaüs - Réponse Au Fichage Ethnique

Emmaüs – Réponse Au Fichage Ethnique

Nouvelle campagne éco-responsable

Aujourd’hui, à la sortie de la nouvelle campagne Emmaüs France, nous n’avons pas pu nous empêcher de faire le parallèle avec une autre campagne portée par la marque de prêt-à-porter H&M (Close the Loop – Sustainable fashion through recycled clothes) ! Petit rappel…

Maintenant que vous l’avez en tête, nous vous proposons de découvrir le nouveau film Emmaüs. Soyez très attentifs aux plans ainsi qu’aux protagonistes de la narration car c’est saisissant de ressemblance.

Rien ne vous choque ou du moins pas plus qu’une énième campagne très inspirée du travail de créatifs situés à l’autre bout de la planète (hommage à Joe La Pompe) ? Voyez plutôt ce comparatif de séquences qu’on s’est amusés à faire non sans arrière-pensées… le plagiat.

Maintenant que vous avez toutes les cartes en main, on ne va pas s’arrêter en si bon chemin. Au vu de cette gémellité, nous avons cherché à en savoir plus sur cette campagne, car la thèse du plagiat, pour une association aussi connue et reconnue dans son domaine nous paraissait suspecte. Est-ce un choix assumé ? Une volonté de comparer 2 mondes que tout oppose (l’être vs le paraître) ? Ou simplement un manque d’inspiration aigu ?

Nous avons donc repéré l’agence derrière cette réalisation “La Secte”, nous les avons contactés et ils ont accepté de répondre à nos questions.

 

Interview “révélation”

Ne tournons pas autour du pot ! Vous avez plagié la campagne H&M oui ou non ?

Absolument pas ! Question suivante ? (rires)
Non, notre idée de départ quand Emmaüs nous a demandé de travailler sur le développement durable c’était de transposer le concept du upcycling (rien ne se perd, tout se transforme) dans notre campagne.
Nous en sommes rapidement arrivés à la conclusion que le recyclage dans l’audiovisuel c’était tout simplement le sampling, la culture du remix.
Quand nous avons découvert la campagne Close The loop d’H&M on a été frappés par sa réalisation et nous nous sommes tout de suite dit que ce serait une manne formidable. Remixer une pub sur le recyclage pour prôner le recyclage nous a semblé une évidence !

 

Beaucoup de nos lecteurs auraient aimé assister au brainstorming de cette campagne, alors comment avez-vous transposé les images très « fashion » d’H&M dans l’univers d’Emmaüs ?

C’est finalement ce qui nous a intéressé dès le départ. Disséquer le film pièce par pièce pour réinjecter Emmaüs dans chaque plan. Quand on montre un homme avec un parapluie dans la rue mais qu’on enlève le branding H&M pour le remplacer par Emmaüs c’est tout le message qui s’adapte presque de lui-même. On a utilisé cette méthode sur chaque séquence, avec pour seule obligation de toujours montrer une facette de l’association et ses activistes. Le film d’origine est tellement riche de décors et de figurants qu’il était amusant de replacer les compagnons dans leur réalité. Emmaüs c’est une immense diversité de personnes, comme sur notre précédente campagne nous avons voulu les mettre au centre, les mettre en lumière. Sur « Les extraordinaires » notre écrin de départ était une célèbre émission de Relooking, aujourd’hui nous leur offrons une des plus célèbres marques de mode. Nous voulons montrer la communauté Emmaüs telle que nous la voyons tous les jours : belle, brillante et militante.

Et puis, entre nous, c’est quand même un vrai challenge de refaire un film comme celui d’H&M avec un budget sans doute 100 fois moins important. C’est un défi qui a passionné toute l’équipe qui a travaillé sur le film.

On a l’impression que vous assurez un rôle “d’accompagnants” des compagnons d’Emmaüs. Pourquoi ne vous contentez-vous pas de jouer votre rôle de publicitaire ?

La vraie question c’est de savoir qui est ton client ! Notre client à nous c’est la communauté Emmaüs. Nous ne travaillons pas en vase clos dans nos bureaux à échanger des mails avec le haut de la pyramide. De toute les façons, chez eux le système pyramidal n’existe pas ! Ce film on l’a réellement fait avec eux. Dans toutes les communautés où nous avons tourné, chacun mettait ses compétences au service du film. C’est d’ailleurs assez pratique parce que quand on disait « merde j’ai pas le bon câble », un compagnon partait en courant dans son atelier et nous le faisait sur place ! Après pour être vraiment honnête c’est parfois difficile de « jouer notre rôle de publicitaire ». La plupart de ses gens ont vécu des choses terribles, ils ont fui l’oppression, vu leurs familles, leurs amis mourir… On n’est pas vraiment dans un rapport agence/produit. Il y a beaucoup d’humain et ça nous pousse vers autres chose. Ce sont eux qui nous aident à aller au-delà de notre rôle de « publicitaire ».

 

Un peu de mauvais esprit ne fait jamais de mal, vous en convenez. 🙂 Comment se fait-il qu’Emmaüs ait choisi La Secte pour défendre un combat associatif ?

C’est nous qui sommes allés vers eux. Derrière Emmaüs il y aura toujours leur porte-parole historique fort en gueule : l’abbé Pierre. Donc quand tu parles au nom de l’association, tu peux dire ce que tu as dans le ventre, tu peux réagir spontanément face à l’ignominie, et c’est exactement ce que nous voulions faire. Quand nous avons appris dans les medias que Robert Ménard (maire FN de la ville de Béziers) a voulu procéder au fichage ethnique dans les écoles de sa ville, nous avons voulu réagir tout de suite !

Nous avons dès lors contacté Emmaüs en proposant notre réponse et ils ont dit oui. Une semaine après, elle était dans tous les médias et depuis nous savons que nous sommes sur la même longueur d’onde.

En fait, “La Secte” est une toute petite structure dans le bon sens du terme. On débarque sur les projets en mode « commando ». Notre force réside dans le réseau que nous nous sommes construit, d’où notre impulsivité. Toutes les campagnes sur lesquelles nous avons travaillé ont été montées sur des délais très courts. C’est peut être aussi notre force. Du moment où l’idée est posée, nous allons chercher les artistes qui nous semblent incarner la cause et à partir de là, il n’y a plus de hiérarchie. D’ailleurs, c’est grâce à ce réseau, ce fameux bouche à oreille, que nous avons pu contacter Oxmo Puccino qui a bien voulu participer au projet et donner sa voix au film alors qu’il était en pleine promo de son nouveau disque. In fine, on peut dire que lui et tous ceux qui ont partagé l’aventure de ce film… styliste, musiciens, plasticien, réalisateur… nous sommes tous au service de ce que nous appelons pompeusement sur notre site « la sacro-sainte idée » !

Après je comprends la surprise que provoque le nom de notre agence accolé à Emmaüs, mais il faut l’entendre au sens étymologique. Le mot “Secte” vient du latin secta, qui signifie “une voie que l’on suit, un parti, une cause, une doctrine”. C’est un ensemble d’individus partageant une même règle de conduite, une même croyance. Dans notre cas, c’est la « sacro-sainte idée » !

 

Interview réalisée avec Jean-Charles Lavegie, Olivier d’Arfeuille et Stéphane Audibert (La Secte)

 

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